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Histoire de jardin (4/4)

Mon jardin potager me manque, alors j’avais envie de vous en parler. Dans cette série d’articles, je vais vous raconter comment je me suis formée au jardinage, comment j’ai planifié mes cultures et ce que le jardinage m’apporte au quotidien. Aujourd’hui, on va parler de syndrome d’imposture et de développement personnel.

Je parle volontairement de syndrome d’imposture et non de syndrome de l’imposteur, car je trouvais cela plutôt ironique de le mettre au masculin alors que j’ai la nette impression que les femmes sont aussi nombreuses (ou même plus) à éprouver un sentiment d’illégitimité.

Personnellement, en matière de jardinage, j’ai beau ne pas partir de rien (comme j’écrivais dans le premier article de cette série), je suis constamment confrontée à mon manque d’expérience et à mes lacunes sur certains points. Et donc je me ramène souvent à ce statut d’ignorante, de débutante, qui me fait me sentir « moins bien » que les autres, moins pertinente à m’exprimer sur le sujet.

Chaque fois que je parle de permaculture, et que quelqu’un se montre intéressé·e, je suis tout de suite gênée : j’ai le sentiment que je vais dire des bêtises, faire semblant de m’y connaître, et que je vais être démasquée. D’ailleurs, cette série d’articles a été difficile à écrire : et si on venait me dire que je me trompe sur toute la ligne ? Que mon plan de potager est complètement nul ? Que je surestime mes capacités ? Que je ferai mieux de laisser ce sujet à celles et ceux qui le maîtrisent mieux ?

C’est typique du syndrome d’imposture. C’est marrant car ça, je l’ai souvent vu dans mes cours de tricot. Des personnes qui se qualifient de nulles, qui s’excuseraient presque de venir à un cours sans avoir de connaissances. Et qui, quoi qu’elles savent faire, se considèrent toujours comme d’éternelles débutantes.

A ces personnes-là, en général je leur répond qu’il est toujours plus facile (et humain) de voir ce qu’on ne sait pas encore faire, plutôt que ce qu’on a déjà appris. Ce que l’on sait déjà paraît toujours insignifiant au regard de la masse de choses qui restent à apprendre. Et comme les cordonniers sont les plus mal chaussés, je n’échappe pas à la règle. Moi aussi je regarde les vidéos, les blogs et les posts Instagram sur la permaculture, et je me trouve nulle à côté. Sans doute de la même façon que les personnes qui voient mes tricots, et qui se disent « pffff mais moi je suis nulle, jamais je n’arriverai à faire ça » (faux !)

J’en tire 3 pistes à explorer :

  • accepter d’être moins compétente que d’autres : ce n’est pas un défaut, juste un stade différent de la vie ;
  • être confiante en ma capacité d’apprendre davantage : ce n’est pas parce que je ne sais pas faire maintenant, que je ne saurai jamais faire ;
  • reconnaître que ce n’est pas parce qu’on est débutante qu’on a rien d’intéressant à dire : au contraire, entendre les débutantes au tricot m’exposer leurs difficultés m’a beaucoup aidée à améliorer la pédagogie de mes cours, par exemple.
Apprendre et prendre son temps

S’il y a un trait de ma personnalité qui a changé depuis quelques années, c’est ma capacité à me projeter dans le long terme et à persévérer. Pendant longtemps j’ai préféré me concentrer sur des tâches ou des apprentissages dont le résultat était visible à court terme. J’avais besoin de cette gratification quasi immédiate pour ne pas me décourager.

Peut-être que le tricot m’a appris cela, ou y a participé. En tricot on ne voit pas le résultat final tout de suite, il faut s’accrocher et persévérer même quand on s’attaque à des parties de l’ouvrage moins agréables : les manches, les coutures, ou autre chose.

J’ai moins d’appréhension à me lancer dans des gros projets aujourd’hui : modifier le patron d’une robe et faire plusieurs toiles sur plusieurs jours, ou tricoter un échantillon en entier (lavé, séché, mesuré plusieurs jours après !). J’aime prendre mon temps pour que ce soit exactement comme je l’avais imaginé.

Le jardinage est parfait pour cela. On plante des bulbes en automne et on les voit s’épanouir au printemps. Des floraisons se font attendre pendant une année entière, pour ne durer que quelques jours. Tout est question de temps et de patience.

Aujourd’hui j’ai moins de réticence à me lancer dans des trucs que je ne maîtrise pas trop, parce que le temps de les apprendre n’est plus un obstacle. Progresser un tout petit peu tous les jours, c’est progresser quand même ; c’est même mieux, je trouve. J’ai souvent dit à mes apprenties tricoteuses que le mieux pour apprendre, c’est de tricoter tous les jours : même si on ne fait qu’un seul rang, même si c’est 2 min entre le bain des enfants et le repas du soir.

Pour expliquer, j’aime bien cette métaphore : imaginez que vous devez quotidiennement traverser une forêt très dense et pleine de ronces. Le chemin ne va pas être aisé au début, il va falloir couper des arbres et débroussailler, ça va être dur et fatigant. Mais si vous l’empruntez tous les jours, vos pieds vont le façonner et le rendre praticable. En revanche, si vous le laissez à l’abandon quelques temps, la végétation va reprendre le dessus. Il faudra tout recommencer depuis le début.

Et bien apprendre, c’est pareil : pour aller chercher des informations, on se crée des chemins dans le cerveau. Au départ ce sont des sentiers broussailleux ; à force de les parcourir, ils deviennent des boulevards.

Pour ma part, 15 ans après mes premières mailles endroit, le chemin à emprunter pour me rappeler comment on fait est devenu une autoroute. La destination est atteinte en un éclair et j’ai même écouté la radio en attendant. En revanche, pour me rappeler comment on fait un montage en côtes élastiques, ce qui m’arrive une ou deux fois par an, je ressors la débroussailleuse 😉

Sur ce, je clos cette série d’articles… En espérant qu’elle vous aura apporté un peu de divertissement pendant ces jours de confinement !

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